Achetée 400 €, la montre en valait 80 000
Un retraité des environs de Rennes a été cambriolé le mois dernier. On lui a volé une montre ancienne qu’il avait achetée 400 € aux enchères. C’était une pièce rare : cadeau du roi Louis XIV à l’une de ses favorites, elle est estimée à 80 000 €. Au bas mot.
Jean-Yves Moisan a été victime d’un cambriolage en décembre. Un fait divers banal en apparence, sauf que trois montres anciennes figurent dans le butin. Une lourde perte pour ce collectionneur amateur. « Les voleurs se sont introduits chez moi le 2 décembre, vers 21 h, alors que je venais de m’absenter pour une petite heure seulement », raconte-t-il en montrant le désordre qui règne encore dans son pavillon de Bruz, au sud de Rennes.
Achetée pour l’offrir à sa petite-fille
Dans le salon, les armoires ont été forcées. Leur contenu répandu sur le sol. « Ils ont laissé tout ce qui pouvait les encombrer, comme le téléviseur. Ils ont préféré emporter mes montres, ainsi que mes alliances de mariage et un appareil photo. » Depuis le décès de sa femme, ce retraité de 67 ans vit seul chez lui. Tous ces objets ont une forte valeur sentimentale. Y compris les trois montres, qu’il conservait précieusement. « Je comptais les offrir à chacun de mes petits-enfants le jour de leurs 18 ans. »

Il n’en existerait que cinq exemplaires au monde.
Deux montres à gousset dataient du XIXe siècle. La troisième est beaucoup plus rare. « Il y a trois ans, je l’avais acheté environ 400 € dans une vente aux enchères, à Rennes. Personne n’en voulait, car il y avait des travaux à faire dessus. » Pendant un an, cette montre en or reste dormir au fond d’un tiroir, jusqu’à ce que Jean-Yves Moisan la confie au Musée de l’horlogerie de Fougères, pour la restaurer. Et là, c’est la révélation.
« En consultant les ouvrages spécialisés, ils ont découvert qu’il s’agissait d’un modèle très rare. » Une montre de femme fabriquée vers 1740 par Jean Romilly, l’un des horlogers des plus célèbres sous l’Ancien régime. Il n’en existerait que cinq au monde, dont celle-ci, qui aurait été offerte par le roi Louis XV à l’une de ses maîtresses. « Il en avait beaucoup », confie le collectionneur, avec une pointe de malice. Surnommé le « Bien-Aimé », Louis XV était réputé pour sa dépendance à l’égard des femmes. En particulier la Pompadour, mais aussi tant d’autres.

Ce monarque a laissé peu de souvenirs dans les livres d’histoire, coincé entre le fascinant destin de son arrière-grand-père, le Roi Soleil, et la tragique destinée de son petit-fils, Louis XVI, mort sur l’échafaud. La montre, elle, a traversé la Révolution française, les guerres et les révoltes pour arriver jusqu’au tiroir de Jean-Yves Monier.
Estimée 80 000 €
D’après les spécialistes, elle est estimée entre 80 000 et 100 000 €. Une somme jugée réaliste par Christie’s, la célèbre société de vente aux enchères. « J’avais eu les experts de Christie’s au téléphone. Je devais les rencontrer à Paris le 12 décembre, dix jours après le cambriolage. »
Jean-Yves Moisan envisageait aussi de prêter cette montre exceptionnelle au musée de Fougères « pour qu’elle soit exposée et qu’elle profite à tout le monde. » Le soir même du cambriolage, les gendarmes sont venus faire des constatations. Ils ont relevé des empreintes, traqué le moindre indice. À ce jour, il est possible que la montre soit déjà loin, peut être fondue afin de revendre l’or plus facilement. « Tant que l’enquête n’est pas terminée je garde espoir », confie le collectionneur, à la recherche du temps perdu.
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