Sur les hauteurs de Chambéry, la villa des Charmettes, où Jean-Jacques Rousseau passa six années de travail fécond, est devenue un lieu de pèlerinage pour Rousseauistes d’aujourd’hui, nourris par cet inspirateur de la Révolution française, 300 ans après sa naissance.
« Même en Iran, Rousseau est connu! », signe un touriste perse sur le livre d’or de la maison-musée, qui regorge d’hommages de touristes du monde entier, nombreux à pousser la porte de la modeste maison où Jean-Jacques Rousseau a résidé auprès de Mme de Warens à partir de l’été 1736.
« Jean-Jacques Rousseau est sans doute l’un des écrivains français les plus connus à l’étranger », souligne Mireille Védrine, la conservatrice de ce petit musée qui a accueilli en 2010 14.000 visiteurs.
Sa prose n’est pas surannée et ses thèses sur la liberté ou le rapport de l’homme à la nature trouvent écho dans la société d’aujourd’hui, plaident les spécialistes du philosophe des Lumières.
« Il pointe les inégalités en soulignant l’absence de corrélation entre le travail accompli et le degré de richesse » et « met en garde contre les progrès de la science », analyse le philosophe Blaise Bachofen, auteur d’une thèse sur l’écrivain et membre de la Société Rousseau.
Fondée en 1904 à luniversité de Genève, sa ville natale, cette société a pour mission de « développer et coordonner » les études sur l’écrivain, qui fait l’objet d’un « intérêt grandissant » ces dernières années, assure M. Bachofen.
« Sa philosophie d’un retour à la nature est très actuelle aujourd’hui, même si, comme de nombreux Humanistes, on l’a un peu oublié ces dernières années », déplore Serge, un visiteur suisse de passage dans cette maison de maître située dans un vallon boisé, entourée d’un verger et de vignes.
« Par son esprit libre et son refus d’être formaté, Rousseau l’autodidacte a des raisons de parler aux jeunes générations », relève de son côté Mme Védrine.
« Pour les Français, Rousseau rime avec épreuve du baccalauréat, alors que pour les étrangers il symbolise l’esprit révolutionnaire français et le romantisme », nuance l’adjointe au patrimoine Sabrina Gafsi.
Selon Flammarion, où la plupart de ses livres sont édités en poche, Rousseau bénéficie aujourd’hui « d’un regain d’intérêt » qui devrait se manifester particulièrement en 2012, à la faveur des célébrations du tricentenaire de sa naissance.
La maison d’édition a vendu depuis 2009 quelque 60.000 exemplaires du « Contrat social » et 30.000 exemplaires du « Discours sur l’origine et des fondements de l’inégalité parmi les hommes », alors qu’elle a entrepris depuis une dizaine d’années un important chantier de réédition des oeuvres de l’écrivain.
Trois rééditions sont prévues à l’occasion du tricentenaire, selon le conseil régional de Rhône-Alpes, où cet anniversaire fait l’objet de nombreuses manifestations, comme une exposition consacrée à des visiteurs de légende des Charmettes.
Dès le début du XIXe siècle, George Sand, Lamartine ou encore Chateaubriand ont en effet entrepris des « voyages romantiques » sur les lieux d’inspiration de Rousseau.
« Cet endroit a une âme, on a l’impression que la maison est restée figée dans le temps », s’émerveille Serge en sortant de la villa pourtant presque vide de mobilier.
La demeure, dans laquelle Rousseau forgea sa pensée ou point de la qualifier de « maison d’idées », restera comme le symbole de ses années de bonheur.